De La Rochelle à Royan (étape 8)
23/03/2024. Une succession de petits villages balnéaires. Les maisons sont caracteristiques : de plain-pied, murs blancs, volets colorés, toitures de tuile tirant sur l’orangé et le rouge. Dans certains villages, les maisons portent des noms de plantes (Lavande, Tilleul…). Dans d’autres, des noms de fleurs (Capucine, Agapanthe…). Après quarante kilomètres parcourus, nous arrivons à Rochefort, “ville nouvelle” fondée au mitan du XVIIeme. Nous y déjeunons. La discussion s’engage avec quelques clients du troquet. Ils nous invitent à emprunter le transbordeur pour traverser la Charente. Nous nous y rendons. La construction est impressionnante. Elle comporte deux énormes pylônes métalliques supportant un tablier sur lequel glisse un charriot sur un système de rail. Un panier y est suspendu et relie les deux rives. Si le dispositif est ingénieux, la traversée n’est cependant pas possible en cette période de l’année. Nous traversons donc la Charente via le viaduc de Martrou, un autre ouvrage d’art lui aussi remarquable. De Rochefort à Royan, nous évoluons à travers des paysages contrastés : des marais, des plaines dégagées, des campagnes avec des champs viticoles… Les routes sont souvent caillouteuses et fissurées. À l’approche de Gua, nous affrontons un vent de face qui durera jusqu’à Royan. Les derniers kilomètres sont éprouvants. Nous ne dépassons pas les quinze kilomètres par heure. Nous arrivons enfin à Royan. Les quatre vingts cinq kilomètres de la journée sont maintenant derrière nous.
Le pont transbordeur de Rochefort, inauguré en juillet 1900. Il aurait fonctionné plus d’un demi-siècle pour permettre la traversée de la Charente entre Rochefort et Échillais.
Le pont transbordeur vu depuis le Viaduc du Martrou.
Balade le long de la corniche de Royan.On distingue ici la plage de Pontaillac.
Les carrelets de Charente-Maritime. Ce sont de petites cabanes de pêcheurs en bois, montées sur pilotis, prolongées d’un filet tendu dans le vide.
De Royan à Audenge par Hourtin (étapes 9 &10)
25/03/2024. Nous empruntons le bac depuis Royan pour rejoindre la pointe du Médoc. L’estuaire est vaste. La traversée en ferry est agréable. Je lance un regard complice aux deux personnes rencontrées avant l’embarquement. L’une est italienne et se rend à Soulac-sur-Mer pour retaper son voilier. L’autre est nantaise et rejoint Mont-de-Marsan pour faire une surprise à sa grand-mère. Toutes deux sont à vélo. D’un hochement de tête, nous les saluons au moment du débarquement à Verdon-sur-Mer. Nous buvons un café au port avant de nous engouffrer dans les landes girondines. Nous voici au paradis des cyclistes. Nous traversons d’immenses forêts de pins entrecoupées de longues routes rectilignes. Ce découpage est méticuleux et témoigne d’une gestion industrialisée du boisement. Les rangées de pins se démultiplient à l’infini. Elles abritent une flore variée, composée de bruyères, d’ajoncs et de genêts, tandis que les marécages sont aussi bien présents. Couplé à une grande horizontalité du relief, ce paysage nous hypnotise. Nous reprenons nos esprits au moment de traverser les villages balnéaires: Soulac-sur-Mer, l’Amélie, Montalivet, Hourtin, Lacanau… Nous nous arrêtons parfois contempler l’océan et les plages qui s’étendent à perte de vue.
Nous arrivons à Lège-Cap-Ferret, côté bourg. Le bassin d’Arcachon est cerclé de pistes cyclables. Apres avoir traversés Arès, nous nous arrêtons quelques instants à Andernos-les-bains pour l’observer. Nous ignorons alors que cette commune détient l’une des plus longues jetées de France (232 mètres), ce qui offre un panorama unique. Au loin, de nombreux bateaux, dont des pinasses qui sont de petites embarcations en bois utilisé autrefois par les ostréiculteurs. Certains semblent d’ailleurs s’affairer dans leurs parcs à huîtres. Au milieu du bassin, une île surnommée ” l’île aux oiseaux”. Les oiseaux migrateurs comme les bernaches et les canards y font leur escale avant leur départ. Les mouettes volent autour de nous, en riant. Des cabanes tchanquées sont visibles près de l’île. De nombreux ports sont disséminés autour de la lagune.
Dix kilomètres plus tard, nous arrivons à Audenge, autre commune attenante au bassin. Notre étape de la journée s’achève. Nous passons la nuit chez Nathalie, notre logeuse Airbnb. Elle nous invite à dîner avec elle et le petit Léo. Lors du repas, Léo nous raconte ses jeux vidéos préférés. Nous parlons cinéma, voyage, éducation. Le moment est agréable. Il nous fait oublier que le lendemain, la pluie est annoncée.
De Hourtin à Biscarrosse par la Teste de Buch (étape 11)
26/03/2024. Les conditions climatiques d’aujourd’hui sont annoncées mauvaises : vent et pluie et froid. Nous privilégions une étape courte, environ 50 kilomètres. Premier incident technique depuis le départ : ma roue arrière est voilée. Deux rayons sont cassés. À ceci s’ajoute la difficulté grandissante pour le vieux pap’ de passer d’un plateau à l’autre. Nous passons donc chez un vélociste. Je le regarde expertiser ma roue, la manier, saisir son matériel. Il hoche de la tête, comme pour se confirmer à lui-même son diagnostic. Je repense à l’une de mes anciennes missions de conseil, pour le compte de l’ANFA. J’interroge le mécanicien sur ses qualifications. “CAP, pourquoi ?”, me répond-il, d’un ton agacé. Je n’insiste pas avec mes questions. Je sors de l’atelier. Je lui fous la paix.
Nos vélos sont désormais impeccables. Nous reprenons la route en direction de La Teste de Buch. En chemin, nous mangeons sur le pouce à Biganos. Une odeur désagréable se dégage d’une usine au loin. Nous apprenons qu’il s’agit d’une fabrique de papiers, quasi centenaire. La boulangère – c’est notre source – nous informe qu’elle est l’un des principaux pourvoyeurs d’emplois du bassin. Elle nous confie que l’histoire de sa famille y est attachée. Mais que surtout, l’odeur d’oeuf pourri issu de la cuisson du bois ne dérange pas, ou plus, les habitants !
Nous arrivons à La Teste de Buch, trempés. Nous levons les yeux. Les nuages gris deviennent sérieusement menaçant. Nous esquivons le gros de l’averse chez mon collègue François. Lui et sa femme nous accueillent chaleureusement. Le temps d’un café, François nous relate l’histoire forestière du bassin d’Arcachon, à laquelle celle de sa famille est intimement liée depuis des générations. Il pointe notamment le statut singulier de la forêt “usagère”, en cours depuis le moyen-âge, qui octroit aux habitants de la Teste des droits de récolte, d’exploitation de la gemme ou encore de prélèvement des pins, qu’ils se répartissent en parcelles. Avant de nous quitter, son épouse me remet un ouvrage de Claudio Magris pour enchanter encore davantage notre traversé de l’Italie du nord.
Nous reprenons notre route. Nouvel incident technique. Cette fois-ci, la roue arrière du vélo du vieux pap’ se dégonfle lentement. Il n’est pas content. Il ne comprends pas. Son ami Gilou avait pourtant bien dit que ça n’arriverait pas avant Biarritz. Il la regonfle, malgré tout. Ça semble suffire. Nous repartons.
Le paysage forestier de la Teste porte les stigmates de l’incendie de l’été 2022. Une forêt usagère est ravagée. Des monticules de bois noircis par le feu jonchent encore les friches forestieres post-incendies.
En chemin, nous faisons une halte pour gravir la majestueuse Dune du Pilat. À son sommet, le panorama est à couper le souffle. On distingue ici la pointe du cap Ferret, au second plan de la photo. Plus bas, sur la gauche, il s’agit du banc de sables d’Arguin.
Nous poursuivons notre route dans la forêt des Landes. La voie verte jouxte la côte d’Argent. Le vent est d’ouest et charrie le sable à l’intérieur des terres. Nos roues s’enfoncent parfois dans un sol devenu à mesure sableux. La forêt nous engloutit de nouveau. Une odeur fraîche et résineuse embauche l’air. Sous nos roues craquellent les écorces et les épines. Les rameaux des pins libèrent leurs pollens. Une abondante poudre jaune nous recouvre. Dix kilomètres. Puis vingts. Nous atteignons la plage puis le bourg de Biscarrosse. Nous sommes désormais officiellement dans le département des Landes. De nombreux surfs shops sont implantés dans la commune. Ici, les activités nautiques, dont le surf, sont au coeur de l’économie touristique locale.
De Biscarrosse à Biarritz par Saint-Julien-en-Born et Capbreton (étapes 12 & 13 & 14)
29/03/2024.
Une vue typique des pistes cyclables dans les Landes. À la fin mars, un épais manteau de pollen recouvre l’asphalte et le fait virer du noir au vert. Ici, de nombreux chênes-lièges bordent la voie verte. Au premier plan, à droite, on note que l’un d’eux a été écorcé pour l’exploitation de son liége.
Quelques kilomètres avec la commune de Léon, dans la foulée du Cap de l’ Homy, nous marquons une pause à Saint Girons Plage, une petite station balnéaire. Ici, on distingue des villas en front de mer. Le vent et l’océan ont poussé le sable jusqu’à leurs rez-de-chaussée.
Dans notre petit appart’hôtel, nous trinquons pour célébrer nos premiers mille bornes à vélo 🍻. Le cap a été franchi quelques kilomètres avant Saint-Julien-en-Born, où nous résidons pour la soirée.
Première nuit de camping à Capbreton. Nous testons (enfin!) nos tentes ultra légères. Le verdict est sans appel: elles sont confortables, spacieuses, faciles à monter et à replier. Sous le coup de l’émotion (et de la fatigue surtout 😏) Nous y restons cloués douze heures consécutives (20h-8h) avant de reprendre la route.
Malgré la proximité de Bayonne (26 kms), notre étape de la journée est difficile avec les mauvaises conditions météorologiques. Une pluie fraîche, modérée mais continue, s’abat sur nous. Par rafales, un vent de face réduit notre allure. Des automobilistes distraits roulent parfois sur d’énormes flaques et nous éclaboussent par seaux d’eaux entiers. Des tronçons de routes sont inondés, ce qui nous oblige à emprunter des routes fréquentées. À Boucau, une commune proche de Bayonne, nous marquons une pause dans un bistrot pour nous réchauffer. Des regards compatissants nous accueillent.
Quelques jours de repos à Biarritz
Nous marquons une pause à Biarritz le temps du weekend pour nous reposer. Cette halte a une signification particulière pour nous. Elle marque la fin de la Vélodyssée (EV1) et le début de la vélo route du Piémont Pyrénéens (V81) et de la Scandibérique (EV3). Elle est le point de bascule entre la mer et la montagne. Nous savons maintenant que les sommets majestueux de la montagne vont remplacer la profondeur bleutée de l’océan, elle qui constituait jusqu’alors notre toile de fond. Nous déambulons dans la petite ville balnéaire basque, véritable musée à ciel ouvert. Sur sa facade maritime, les hôtels luxueux, les châteaux et les villas écrasent les petites maisons rustiques aux façades chaulées, vestiges du passé maritime de la ville. Les touristes de tous bords sont déjà présents. C’est le weekend pascal. Les chemins parfois exigus de la côte sont encombrés. Comme bien d’autres avant nous, nous contemplons les îlots rocheux et les falaises abruptes. À nos côtés, un rayon de soleil venu d’Orthez illumine notre balade.
Nous marquons une pause à Bayonne pour nous restaurer. Au menu: axoa de veau au piment d’Espelette et merlu gratiné au chorizo. Le gars derrière à tellement faim qu’il mange ses doigts 😏
Journée pluvieuse. Nous décidons de visiter l’aquarium de la ville, réputé pour sa célèbre animation du repas des phoques. Ici on aperçoit Naïa, une femelle de 18 ans. Elle attend le coup de sifflet pour toucher la balle du museau et dévorer ensuite le précieux maquereau.
De Biarritz à Orthez (étape 15)
02/04/2024. Nous quittons Biarritz sous un ciel dégagé et ensoleillé. La piste cyclable longe l’Adour pendant des kilomètres. En chemin nous croisons des cyclistes de tous bords, du sportif équipé au flâneur solitaire. Dans le ballet des salutations, nous menons la danse. Nous empruntons la voie verte de Salies-de-Bearn qui nous fait découvrir quelques beaux villages du Béarn intérieur. Parmi eux notamment, Salies-de-Béarn et son quartier thermal qui accueilla nombre de têtes couronnées et de plumes célèbres. Le weekend passé à Biarritz nous a ragaillardi. Nous franchissons les quatre vingts dix kilomètres sans difficultés. L’histoire est cependant toute autre pour nos vélos. Outre les frottements incessants des chaînes, des signes de fébrilité se font sentir au niveau des freins. De nouveau, le passage chez le mécanicien devient prioritaire.
Un aperçu des lacs lagunaires de Barthes. Un havre pour les pêcheurs qui viennent y pêcher du gardon, de la carpe, du brochet, du sandre, de la tanche ou encore de la perche. Nous roulons en silence dans ce paysage bucolique.
Le tunnel de Bellocq a été construit entre 1879-1883. Il est long de 850 mètres. À l’époque de la ligne de chemin de fer, il permettait la liaison entre Puyoô et Salies-de-Béarn. C’est notamment grâce à ce type d’ouvrage que le thermalisme salisien a connu un important essor. Aujourd’hui, ce sont les chauves-souris qui s’y développent. On y trouve trois variétés différentes.
Le Pont vieux d’Orthez, construit au XIII ème siècle. On distingue ici une tour-porte, vestige de l’architecture militaire défensive médiévale. Le pont permet de franchir la Gave qui scinde la petite ville en deux rives.
D’Orthez à Pau (étape 16)
03/04/2024. “Vous êtes prêts pour voyager, mais pas votre vélo !” Ces mots résonnent en moi comme un verdict cinglant. Ceux-ci ont été formulés par un mécanicien d’Orthez durant un contrôle technique. En raison de divers problèmes (frein arrière défectueux, couinement de la chaîne, rayons cassés), une révision du vélo était nécessaire. À son terme, le mécanicien a pointé un fort décalage entre mes aspirations sportives et l’état mécanique du vélo. Il souligna l’inadaptation des roues par rapport à la distance visée, la pression trop élevée des pneus au regard des routes fréquentées, le manque de graissage au niveau du jeu de direction, ou bien l’usure accélérée des patins en raison du poids, etc. Malgré leur justesse, ces constats me furent difficiles à entendre. Ils soulignaient mon incompétence technique. Bien plus, mon impréparation. D’un seul coup, il me semblait apparaître aux yeux de mon interlocuteur comme un rêveur prétentieux, déconnecté de la réalité technique de son projet. De retour sur ma selle, je repensais à cet échange et au goût amer qu’il me laissait. Car en effet, n’était-il pas le signe de mon impatience ? Ne s’agissait-il pas de mon souhait de détenir a priori une connaissance qui s’acquière soit par l’empirie, soit par la formation professionnelle ? Plus précisément, n’était-ce pas lié au fait d’avoir été “cueilli” en flagrant délit d’amateurisme? Mais encore, ne me suis-je pas senti l’espace d’un instant être un “imposteur” vis à vis de notre projet de voyage à vélo ? Beaucoup de questions et peu de réponses pendant l’itinéraire Orthez-Pau. Mais une certitude : j’ai le temps d’y réfléchir !
Le château de Pau où naquit le “bon roi Henry”. La photo a été prise depuis l’accès est. On distingue notamment à gauche le donjon Gaston Foebus, à droite l’aile et la tour Napoléon III. Au centre, derrière le portique, on aperçoit la cour d’honneur.
Merci à Denis, le pizzaiolo itinérant, pour cette belle photo. L’odeur de la pizza cuite au feu de bois a eu raison de nous…et on a cédé !
9 Comments
Ronan · 27 March 2024 at 20h59
Magnifique !
GrandLoup · 31 March 2024 at 8h12
Bientôt l’Espagne ! Il va falloir laisser les réparateurs de vélo tranquille par contre ils sont si gentils.
sylvie · 2 April 2024 at 21h15
Connaissez-vous ce site ? vous y trouverez peut-être de bonnes adresses sur votre trajet …. Bon courage !
https://www.google.com/maps/d/viewer?fbclid=IwAR3SV-3NROY-A3YTnapakroDBd6Vbep07JmSEIcbfpkpCAOsSSBucKHRo-U_aem_AcCGv_ynbrgxpMVGtgag5p2Ss6kULwDsyTgvjsh73xT_mO-6npzATMa1edCwFKsHPyfzxk19NmZcJK340MVYvnZr&mid=11m-3F_zZnGiis-wYxfg702soGl2ssoCk&ll=47.328853067993975%2C3.343941313662775&z=7
letempscycliste.com · 3 April 2024 at 11h15
Bonjour Sylvie,
Merci infiniment pour ce lien. Ca nous sera très utile.
Bien à vous,
Edine
sylvie · 3 April 2024 at 15h08
avec plaisir ! 🙂
Tite fine · 5 April 2024 at 13h56
C’est beau ce que vous faites, et quel plaisir de vous lire ! Bonne suite 😘
Gassert · 5 April 2024 at 20h30
Suivre la famille
Kerry · 8 April 2024 at 7h57
Bravo Ed et Jacky. Quelle adventure sportive! Quel défi.
L’expérience d’une vie. Avec ses hauts – paysages, rencontres, découvertes et ses bas – mal au cul , problèmes techniques. J’ai beaucoup de plaisir de lire chaque étape de vôtre périple en vélo.
Je vous embrasse tous les deux.
Soiz · 12 May 2024 at 7h40
Je lis les billets et parcours (des yeux !) la distance depuis Brest… Oh le vertige, ouïe les courbatures !
Merci pour ce partage, les descriptions de paysages, les questionnements sur l’élasticité du temps à 8h30 du matin (👌👌), et bravo à toi et ton ‘vieux pap’ comme tu dis 😉